Un aspect toujours incertain de la CDFUE est son champ d’application. Conformément à l’article 51 de la Charte, ses dispositions s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Bien qu’inclus dans la Charte pour une raison assez claire – éviter une extension des compétences et tâches conférées à l’Union par les traités – la formulation de cet article a fait l’objet de nombreuses interprétations.

L’origine de l’article 51 CDFUE et quelques interprétations de cette disposition dans la jurisprudence récente

L’article 51 trouve son origine dans l’arrêt Wachauf (C-5/88) dans lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) précise que les exigences découlant de la protection des droits fondamentaux lient les États membres (EM) lorsqu’ils mettent en œuvre des réglementations communautaires.

Fundamental rights Charter of the EU.
© European Union 2005 PE-EP

Avec l’affaire Åkerberg Fransson (C-617/10), la Cour a choisi récemment de donner une interprétation large à l’article 51. Elle a statué que les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union. Comme certains commentateurs l’ont fait remarquer, la CJUE considère par conséquent que les situations de mise en œuvre du droit de l’UE coïncident avec les situations régies par le droit européen. La décision Texdata (C-418/11) du 26 septembre 2013 vient confirmer cette jurisprudence. La Cour réaffirme ici que l’applicabilité du droit de l’Union implique celle des droits fondamentaux garantis par la Charte. L’Avocat General Paolo Mengozzi a mentionné dans son opinion relative à l’affaire le débat autour de l’article 51 existant dans la doctrine, mais aussi entre les Avocats Généraux de la CJUE eux-mêmes (voir opinions C-617/10, C-489/10, C-108/10, C-411/10 et C-493/10). Cependant, il considère qu’en l’espèce, l’existence d’une directive européenne prévoyant expressément l’obligation d’imposer des sanctions applicables aux sociétés établies sur le territoire des EM – malgré l’autonomie dont ces derniers disposent pour établir la nature et le niveau de ces sanctions – relève d’une situation de mise en œuvre du droit européen.

Quelles situations pourraient être considérées comme étant régies par le droit européen?

Certains chercheurs ont essayé d’imaginer des situations dans lesquelles les dispositions de la CDFUE seraient invocables conformément à la jurisprudence Åkerberg Fransson et Texdata, qu’elles soient régies par le droit primaire de l’UE ou par un instrument de droit dérivé. La Charte pourrait être invoquée dans un litige entre particuliers si celui-ci entre dans le champ d’application d’une directive n’offrant pas de protection suffisante du droit fondamental en cause ou bien lorsqu’une directive – bien qu’offrant une protection suffisante du droit fondamental – n’est pas correctement implémentée par un EM. Une troisième situation identifiée par Dorota Leczykiewicz (Oxford University) concerne le particulier invoquant un droit fondamental afin de se soustraire à l’application d’autres normes européennes. Néanmoins, Lord Goldsmith, qui voit la Charte “[a] brake and not an accelerator” considère que celle-ci ne devrait pas pouvoir être invoquée dans de telles situations de dérogation.

Le Parlement européen (PE) et le champ d’application de la CDFUE

Considérant la CDFUE comme un fondement de la légitimité de l’UE devant ses citoyens, les membres du PE ont posé plusieurs questions au sujet d’éventuelles violations de droits fondamentaux à la Commission européenne. Ces questions concernaient des mesures commerciales prises par une compagnie aérienne établissant les prix des billets en fonction du poids du passager, l’application de la loi espagnole de protection des côtes et les conditions du regroupement familial dans la législation danoise. La Commission a constamment rappelé dans ses réponses que le champ d’application de la CDFUE est limité aux situations dans lesquelles les EM mettent en œuvre le droit européen et s’est abstenu de faire plus de commentaires lorsqu’un tel lien avec le droit de l’UE n’a pas pu être établi.

Pour plus d’informations:

C-418/11 Texdata: All quiet on the Åkerberg Fransson Front / Benedikt Pirker, European Law Blog, octobre 2013.

Casting the net of fundamental rights protection: C-617/10 Åkerberg Fransson / Laurens Ankersmit, European Law Blog, février 2013.

Horizontal application of the Charter of Fundamental Rights / Dorota Leczykiewicz, European Law Review, 2013, vol. 38, no. 4, pp. 479-497. Click on “skip” when you are asked to log in